Les milieux humides assurent des fonctions hydrologiques, biogéochimiques et biologiques majeures. Leur tendance d’évolution est à la réduction des surfaces, l’artificialisation des milieux et la baisse de leur diversité biologique sous l’effet d’une anthropisation croissante. Les bioindicateurs permettant de détecter les effets des pressions sur ces milieux et les réponses apportées pour les réduire sont en nombre limité. Les gestionnaires des zones humides du nord de la France envisagent donc l’utilisation des Lépidoptères hétérocères pour compléter les dispositifs d’évaluation écologique existants, ce qui suppose d’identifier au préalable les descripteurs des communautés traduisant l’état d’un milieu en rapport avec les pressions. Dans ce but, nous avons étudié les liens entre les traits fonctionnels des espèces et les pressions et avons testé la réponse des communautés selon leur spécialisation écologique. Ces communautés ont été échantillonnées en faisant varier les niveaux d’artificialisation et d’intensification agricole sur 113 sites et 22 bassins versants répartis dans le nord de la France. Les observations de terrain couplées aux informations sur les traits des espèces ont permis d’analyser les corrélations entre 79 espèces, leur traits et les proxys de pressions et de modéliser les relations entre la richesse spécifique et ces proxys pour différents niveaux de spécialisation. Les résultats révèlent des associations entre certains traits et les variables de pressions, notamment des traits trophiques selon une anthropisation croissante caractérisée par des milieux aquatiques à forte présence de plantes exotiques envahissantes et des milieux forestiers plantés d’essences allochtones. Le gradient rural-urbain intervient fortement dans la structuration des communautés mais son lien avec les traits est moins net. Les richesses en espèces spécialistes et généralistes baissent quant à elles de façon comparable en fonction des pressions d’artificialisation et agricoles. Ces résultats indiquent que l’approche à l’aide des traits est adaptée pour rendre compte d’un patron général de structuration des communautés d’hétérocères et de tendances quant aux niveaux de richesse spécifique sous l’effet de l’impact environnemental des activités humaines. Ils suggèrent une possible tolérance des communautés les plus caractéristiques des milieux humides dans certaines conditions, même si les processus sous-jacents ne sont pas identifiés. Concernant l’utilisation de ce groupe taxonomique comme bioindicateur, cette étape exploratoire tempère les orientations prises pour l’intégration des traits de spécialisation dans l’indicateur. Enfin, les éléments discutés orientent les étapes suivantes du développement de l'indicateur en identifiant un besoin d’expérimentations pour tester la réponse des communautés selon différents modes de restauration écologique des milieux humides.